C2MTL : critique plus détaillée de l’édition 2016

Il me reste encore à décanter ce que j’ai retenu de C2-Montréal 2016, de faire l’inventaire de ce que ça m’a apporté; et (peut-être) essayer d’apporter un début de réponse à la question : est-ce que ça vaut ou non le prix du billet ?

Mais, avant cela, je trouve important de partager mes impressions (partagées, d’ailleurs, par beaucoup de personnes que j’ai croisées), sur cette cinquième édition. Ainsi que je l’écrivais déjà dans ce premier bilan, ce n’était pas la meilleure année… Voici quelques points qui me portent à dire cela.

-Il manquait : vision, cohérence et moments d’émerveillement. À tout le moins, ils n’étaient pas autant à l’avant-plan. Or, comme je l’avais écrit à la fin de l’édition de l’an dernier , c’est justement l’aspect susceptible de donner à C2Mtl son intérêt et son identité propres : son emphase sur l’entrepreneuriat de l’avenir et, en particulier, tout  ce qui touche à l’entrepreneuriat social.  Avec de la vision, des orateurs stimulants et, à l’occasion, une dose d’émerveillement.

C2-dehors
(Crédit photo: Arianne Bergeron)

Ainsi, l’an dernier, on avait notamment eu Bertrand Piccard, nous parlant en direct d’outre-Atlantique, en pause d’un de ses fameux vols du Solar Impulse ; Adam Garone, co-fondateur de la Movember Foundation ; et plusieurs autres, dont Phyllis Lambert qui, toute montréalaise qu’elle soit, ne parle pas souvent en public… Même avec Alec Baldwin, qui remplaçait pratiquement au pied levé Kevin Spacey, et qui avait été interviewé avec brio par Andy Nulman, on avait eu des regards intéressants sur la pratique de la philantropie… Des éditions présentes nous avaient amené, dans le désordre : Richard Branson, Francis Ford Coppola, Diane von Furstenberg, Philippe Starck… Bien sûr, il y avait aussi, à chaque édition, quelques conférenciers plus « corporate» moins visionnaires et moins intéressants… Mais le dosage final faisait en sorte qu’on en retenait une autre impression. Cette année, les représentants de Car2Go, de Airbnb, de Vice… étaient parmi les grandes têtes d’affiches. Tous des entrepreneurs méritoires, avec une vision d’affaires remarquable, soit. Mais pas de quoi contribuer à donne à C2MTL son caractère distinct. En fait, je dois dire que j’ai vu et entendu, sur la scène secondaire (le Grand Chapiteau), plusieurs conférences et panels peut-être davantage en lien avec ce qui distingue C2MTL que sur la scène principale. Tout cela, au final, laisse l’impression d’un manque de vision et, si on peut dire, de direction éditoriale…

 

À améliorer: casting, pacing et entrevues. Pour une conférence de ce niveau, il y a des erreurs qui ne peuvent pas passer. J’ai déjà parlé, dans un précédent billet, de la conférence d’ouverture, par les deux fondateurs de Ideo, qui avait été d’une platitude incroyable. Ça partait du mauvais pied, et c’est fort dommage, quand on connaît tout l’intérêt de ce que fait cette boîte. Quant aux panels et entrevues… C’est un art difficile à maîtriser, et les éditions précédentes ont aussi souffert, à l’occasion, d’avoir des invités mal mis en valeur par des gens peu rompus à l’art de l’interview… Cette année, impossible de passer sous silence le frustrant panel sur « les médias traditionnels» (déjà un peu déconcertant comme thème, dans une conférence où on se veut visionnaire : on n’aurait pas pu orienter cela autrement ?). Je reconnais tout le mérite qui revient à Elizabeth Plank, pour son innovation en matière de médias sociaux, de journalisme audacieux, en plus de sa vision rafraîchissante du féminisme. Mais, pour ce qui est de sa façon de conduire le panel comprenant Olivier Royant de Paris-Match, Guy Crevier de La Presse, l’animatrice Marie-France Bazzo de même que Guy A. Lepage… En plus d’être fort déçue moi-même, j’ai entendu des commentaires lapidaires de la part de gens qui y avaient assisté, et qui allaient jusqu’à l’emploi de l’adjectif « malaisant ». Dans ce cas-ci, Elizabeth Plank aurait sans doute mieux été utilisée comme paneliste que comme intervieweuse. Et ça aurait été intéressant, d’ailleurs, de faire échanger ensemble des gens qui, comme elle, sont des pionniers des nouveaux médias, avec les autres qui, tout en étant issus d’une autre tradition, n’en doivent pas moins œuvrer dans les nouvelles réalités et le multiplateforme. Là, il aurait pu ressortir quelque chose d’intéressant. Mais pour cela, il faut un intervieweur – ou un animateur – capable d’avoir la profondeur, le contexte, et les bons réflexes journalistiques pour faire ressortir les questions qui ont des chances d’intéresser l’auditoire. Ce n’est pas le seul cas où, à C2MTL, ça aura manqué.

-La bouffe : c’était mieux ; mais… On a effectivement augmenté, par rapport aux années précédentes, l’offre en nourriture : plus de comptoirs – dont des food trucks – et moins d’attente. Donc, bravo. Mais… le rapport qualité-prix n’y est pas encore. Payer au-dessus de 15$ pour une salade où, franchement, il n’y avait pas grand-chose (et surtout pas à la hauteur de la description sur le panneau), ça ne va pas. Si j’avais voulu y ajouter de la viande – « des protéines», comme on me l’a offert selon la formulation très « trendy » – je me serais peut-être sentie plus nourrie, mais sans doute pas moins frustrée, avec un prix qui aurait grimpé à 24$… Et, j’ai eu le même genre de commentaires de la part de gens qui, dans les comptoirs à l’intérieur, avaient payé 12$ pour un bout de pâte à pizza avec un peu de sauce tomate… J’imagine bien qu’il faille rentabiliser l’événement ; que les concessionnaires payent possiblement très cher pour se trouver là, et qu’ils doivent rentabiliser leur présence. Mais avec une telle offre, pour des gens qui ont déjà payé entre 1800$ et 3000$ pour être là, C2 ne se rend pas service. Pas plus qu’elle ne rend justice à l’offre gastronomique montréalaise. Il y aurait ici de la créativité à mettre à profit…

Oui, bien sûr, C2 Montréal, c’est beaucoup plus que ça. Il y a tout le networking, de mieux en mieux organisé, dont j’ai déjà parlé un peu. Il y a cette ‘crowd’ incroyablement éclectique, qu’on ne retrouve nulle part ailleurs. Pour avoir la notion de ce que peut représenter C2MTL, lisez cette chronique du commentateur CT Moore dans The Gazette.  Il y a aussi les multiples initiatives, comme le programme pour les entrepreneurs émergents  (de la Fondation de la famille Claudine et Stephen Bronfman), le Programme Start-up AccelerateMTL et d’autres, dont on ne parle sans doute pas assez. Mais il reste que, les aspects dont je viens de parler, à commencer par les grandes conférences, portent le rayonnement et l’image de C2. S’ils sont moins à niveau, l’événement aura plus de difficulté à se démarquer.

Et vous ? Si vous avez assisté à C2, que pensez-vous de votre expérience ? Que ce soit sur l’expérience globale, ou dans les détails ?

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